Gaza / Israël : un nouveau rapport de Francesca Albanese met en cause la responsabilité directe des entreprises privées dans le génocide en cours à Gaza
"Ce qui se passe à Gaza n’est pas seulement une agression militaire. C’est une violation totale de toutes les valeurs humaines. Être privé d’enterrement est un crime, une preuve de la cruauté extrême infligée aux civils du territoire.
Où est la communauté internationale face à cette tragédie ? Où est la conscience humaine face à un peuple qui ne trouve même pas où enterrer ses morts ?
Cette faillite morale ne peut être justifiée par aucun prétexte. Le droit international garantit la dignité de l’homme vivant et mort, et criminalise toute atteinte au caractère sacré des défunts. Mais à Gaza, tout est permis : tuer, bombarder, affamer, et même interdire l’enterrement".
Témoignage d'un habitant de Gaza, Abu Amir, 2 juillet 2025.Texte complet disponible ici
Nicolas Boeglin, professeur de droit international public, Faculté de droit, Université du Costa Rica (UCR). Contact : nboeglin@gmail.com
Le 3 juillet 2025, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits du peuple palestinien, la juriste italienne Francesca Albanese, a présenté son rapport intitulé : "De l'économie de l'occupation à l'économie du génocide". Le texte intégral de son rapport de 39 pages (Document A/HRC/59/23, pour le moment uniquement existant en anglais), est disponible ici. Son mandat et ses rapports antérieurs, ainsi que ceux de ses prédécesseurs, sont également disponibles sur cet hyperlien officiel des Nations Unies.
Le communiqué de presse officiel des Nations Unies en date du 3 juillet concernant ce rapport de Francesca Albanese est disponible ici. Comme à l'accoutumée, ce communiqué de presse officiel des Nations Unies a été fort peu relayé ou référencé dans les médias internationaux. Dans les médias nationaux comme ceux du Costa Rica, pratiquement aucune mention n'a été trouvée.
Malgré le peu d'information sur ce rapport circulant au Costa Rica (et dans de fort nombreuses autres latitudes), dans cette interview traduite en espagnol et publiée en Uruguay à la fin du mois de juin (voir hyperlien ), nos lecteurs costariciens et hispanophones pourront mieux comprendre pourquoi le travail inlassable de Francesca Albanese dérange tant certains cercles, et pourquoi ils cherchent à invisibiliser les dénonciations qu'elle a documentées dans ses trois derniers rapports. Cette émission (en France) avec Francesca Albanese réalisée il y a quelques mois, interroge pour sa part certains décideurs en France et en Europe.
Lors de sa conférence de presse, tenue le même 3 juillet 2025, l'experte en droits de l'homme a répondu à plusieurs questions de la presse internationale (aussi bien en anglais qu'en francais): voir hyperlien contenant la video de sa conférence de presse.
Dans une interview publiée en Espagne le 25 juin, la juriste italienne avait donné un aperçu de certaines de ses conclusions (voir texte de intégralité de l'interview publiée dans Eldiario).
Concernant le drame indicible qui se vit à Gaza, avec des bombardements incessants et des dizaines de morts et de blessés lors de chaque remise de l'aide humanitaire par un fondation privée (fortement contestée par les Nations Unies), le dernier rapport des Nations Unies au 2 juillet est disponible ici.
Le rapport en bref
Ce rapport de Francesca Albanese examine les différents mécanismes par lesquels les entreprises privées ont directement profité (et continuent de profiter) de la situation dramatique à Gaza et, plus généralement, dans le territoire palestinien occupé.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ces entreprises ne se limitent pas uniquement aux fabricants d'armes et d'équipements militaires israéliens et à leurs partenaires européens et nord américains : ce sont aussi des chaînes de supermarchés et des compagnies maritimes européennes, des entreprises de construction, des sociétés de technologie, des banques et des universités, ou encore des fonds d'investissement qui lèvent en toute opacité des fonds afin de soutenir les opérations militaires insensées d'Israël à Gaza.
Dans cet article publié par France24, les entreprises citées dans son rapport sont regroupées par secteur d'activité.
La rapporteuse spéciale a expliqué lors de sa conférence de presse que les entreprises citées dans son rapport ne sont qu'un petit groupe parmi beaucoup d'autres qui bénéficient d'un véritable "système", en partie favorisé par divers accords existants entre Israël et l'Union Européenne (UE) et par des réglementations en Europe qui rendent fort difficile la mise en cause de la responsabilité des entreprises.
Dans la dernière partie de son rapport, qu'il est recommandé de lire dans son intégralité, on peut lire ce qui suit :
Dans ses recommandations finales, on lit que:
"VI. Recommendations
94. The Special Rapporteur urges Member States:
(a) To impose sanctions and a full arms embargo on Israel, including all existing agreements and dual-use items such as technology and civilian heavy machinery;
(b) To suspend or prevent all trade agreements and investment relations, and impose sanctions, including asset freezes, on entities and individuals involved in activities that may endanger the Palestinians;
(c) To enforce accountability, ensuring that corporate entities face legal consequences for their involvement in serious violations of international law.
95. The Special Rapporteur urges corporate entities:
(a) To promptly cease all business activities and terminate relationships directly linked with, contributing to and causing human rights violations and international crimes against the Palestinian people, in accordance with international corporate responsibilities and the law of self-determination;
(b) To pay reparations to the Palestinian people, including in the form of an apartheid wealth tax along the lines of post-apartheid South Africa.
96. The Special Rapporteur urges the International Criminal Court and national judiciaries to investigate and prosecute corporate executives and/or corporate entities for their part in the commission of international crimes and laundering of the proceeds from those crimes".
Les Etats-Unis et Israël : une alliance indéfectible visant désormais... une rapporteuse spéciale des Nations Unies
Dans un communiqué officiel du 1er juillet, la Mission Permanente des Etats-Unis auprès des Nations Unies, toujours en mode "anticipation" lorsqu'il s'agit d'Israël, a mis en cause la rapporteuse spéciale Francesca Albanese (voir texte), soulignant au passage l'exacte coïncidence de critère entre les Etats-Unis et Israël.
Un communiqué officiel très similaire avait été publié le 15 avril 2025 (voir texte) par la même Mission Permanente des États Unis (communiqué officiel qui, d'ailleurs, n'avait pas impressionné outre mesure Francesca Albanese, comme en témoigne une interview accordée à la chaîne Al Jazeera le 4 mai 2025).
Il est intéressant de noter que cette demande afin de suspendre le mandat de Francesca Albanese par les États-Unis a été formulée au mois d' avril 2025 par la Commission des Affaires Étrangères du Congrès nord américain (voir hyperlien).
Il convient de souligner que, parallèlement à la campagne tous azymuts déployée par l'appareil diplomatique nord américain contre les organes des Nations Unies lorsqu'ils critiquent Israël, ce rapport de Human Rights Watch analyse la politique draconienne de répression à l'encontre des professeurs et des universitaires critiques à l'égard d'Israël sur les campus universitaires américains, observée depuis le 20 janvier 2025.
En avril 2025, les autorités nord américaines de l'immigration avaient annoncé que leurs fonctionnaires examineraient le contenu "antisémite" sur les réseaux sociaux d'une personne avant de lui accorder un visa d'entrée aux États-Unis (voir l'avis officiel de l'USCIS du 11 avril 2025).
En guise de conclusion
Au-delà des habituelles vociférations et gesticulations en tous genres auxquelles Israël et l'actuelle administration nord américaine se sont prêtés de par le passé pour disqualifier Francesca Albanese, dans cette autre interview à un média en ligne en France le 10 avril (voir hyperlien), cette juriste italienne a elle-même expliqué la portée de son travail et le profond agacement qu'il peut avoir suscité dans certains milieux aux Etats-Unis et en Israël (et au sein des cercles politiques et de leurs relais en Europe).
Le simple fait que les Etats-Unis et Israël (ainsi que leurs alliés et de nombreux cercles d'influence) déploient toute la batterie de pressions diplomatiques et médiatiques contre cette rapporteuse spéciale ne fait que renforcer son travail et la qualité de ses rapports sur la situation à Gaza, en particulier les deux précédents rapports présentés en 2024 aux Nations Unies. Leur diffusion et lecture sont plus que recommandées, afin de comprendre la logique destructrice insensée des autorités politiques et du haut commandement militaire israélien à Gaza :
- Mars 2024 : "Anatomie d'un génocide" (Document A/HRC/55/73) disponible en ligne, dont le texte intégral est disponible ici.
- Octobre 2024 : "L'effacement colonial par le génocide", (Document A/79/384), dont le texte complet disponible ici.
En ce début du mois de juillet 2025, en France, une association de juristes a intenté un procès contre une banque française, la BNP (voir note et documentation sur le site du JURDI), en raison de l'opacité de ses opérations de financement en Israël. Nul doute que cette action et bien d'autres devant les juridictions nationales en France (et dans diverses parties du monde) devraient trouver dans ce nouveau rapport de la juriste italienne Francesca Albanese des griefs supplémentaires, et inspirer bien d'autres groupements d'avocats en vue de présenter de nouvelles initiatives de ce type. C'est aussi en France qu'un collectif d'organisations dénonce en ce début du mois de juillet le fait que la France autorise l'usage de son espace aérien pour l'aeronef du Premier Ministre d'Israël en déplacement aux Etats-Unis (voir communiqué). On rapellera qu'une procédure est en cours contre la Hongrie pour manquement grave aux obligations internationales découlant du Statut de Rome (voir document présenté par le Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) en date du 30 mai 2025).
En Italie, en ce début du mois de juillet, le prestigieux Consiglio Nazionale di Ricerca (CNR) a annoncé la suspension immédiate de toutes les relations avec les institutions académiques et les universités israéliennes (voir communiqué de presse en francais et en italien).
Depuis le Costa Rica, nous faisons le vœu que ce travail persévérant de cette juriste italienne sera salué et célébré, mais aussi soutenu par des États conscients de l'extrême gravité de la situation à Gaza et de l'urgente nécessité d'arrêter Israël dans ses actions insensées contre la population civile palestinienne. Et nous espérons qu'un jour, elle pourra venir en personne au Costa Rica pour expliquer ce que ses plus hautes autorités tentent à tout prix de minimiser et de relativiser : voir l'article d'Elmundo.cr du 3 juillet intitulé "Rodrigo Chaves fait savoir qu'il signerait un ALE avec Israël" et l'article du Semanario Universidad, intitulé "Chaves se moque des critiques d'Israël et annonce son intention de signer un ALE bilatéral".
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