Gaza / Israël : à propos des nouvelles mesures conservatoires urgentes ordonnées par la Cour Internationale de Justice (CIJ) à l'encontre d'Israël
par Nicolas Boeglin, Professeur de droit international public, Faculté de droit, Université du Costa Rica (UCR). Contact : nboeglin@gmail.com.
Note: est également disponible une version en espagnol de ce texte
Le 28 mars 2024, en réponse à une nouvelle demande urgente (la troisième) en indication de mesures conservatoires urgentes supplémentaires contre Israël, soumise par l'Afrique du Sud le 6 mars 2024, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a donné raison en grande partie à l'Afrique du Sud.
Il s'agit d'une nouvelle décision, dans laquelle les juges détaillent les nouvelles mesures que doit prendre Israël à Gaza, en plus de celles incluses dans la première ordonnance de la CIJ, adoptée le 26 janvier 2024.
Nous renvoyons nos chers lecteurs à l'analyse - en espagnol - de la troisième requête de l'Afrique du Sud, que nous avions eu l'occasion d'analyser (Note 1).
Pour ceux qui, à un moment donné, ont pu douter de la portée de la requête de l'Afrique du Sud contre Israël, une comparaison entre cette deuxième ordonnance de la CIJ du 28 mars avec la première rendue le 26 janvier 2024 (Note 2) confirme que la plainte de l'Afrique du Sud est plus que fondée d'un point de vue juridique; et qu'Israël se dirige tout seul vers une condamnation sévère de la CIJ pour avoir ignoré ses deux décisions.
Il est également frappant de constater que l'équipe juridique sud-africaine a fait preuve d'une capacité d'anticipation avant bien d'autres, en détectant très tôt dans le discours officiel d'Israël et dans diverses déclarations, des éléments d'intention génocidaire à Gaza de la part du haut commandement militaire israélien.
Le fait que la seule juge titulaire de la CIJ ayant voté contre l'ordonnance de la CIJ du 26 janvier (accompagnant son vote négatif d'une longue opinion dissidente) ait cette fois-ci voté en faveur du dispositif donne une idée du changement substantiel observé à La Haye (ainsi que dans de nombreuses autres latitudes).
D'un point de vue strictement juridique, il convient de noter que cette deuxième ordonnance de la CIJ constitue une décision préliminaire, de nature urgente, et qu'elle est distincte du jugement ou de l'arrêt sur le fond, qui ne sera rendu que dans quelques années par le juge international de La Haye.
L'action militaire insensée d'Israël contre la population civile de Gaza
Il est à signaler que, quelques jours avant le 28 mars 2024, un nouveau rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits du peuple palestinien a été publié (voir le rapport A/HRC7/55/73, dont la lecture est recommandée dans son intégralité). Dans ce document, il est indiqué (paragraphe 93) que:
"93. The overwhelming nature and scale of Israel's assault on Gaza and the destructive conditions of life it has inflicted reveal an intent to physically destroy Palestinians as a group. This report finds that there are reasonable grounds to believe that the threshold indicating the commission of the following acts of genocide against Palestinians in Gaza has been met: killing members of the group; causing serious bodily or mental harm to groups’ members; and deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to bring about its physical destruction in whole or in part. Genocidal acts were approved and given effect following statements of genocidal intent issued by senior military and government officials" (NDA: les italiques sont de l'auteur).
Il est également précisé dans ce même rapport, dans les paragraphes contenant les conclusions et les recommandations finales, que :
Nous ignorons combien de personnes vont mourir des suites de leurs blessures, mais nous savons qu’un très grand nombre d’entre elles ont dû être amputées. L’État d’Israël organise également la famine.
En refusant de fournir l’aide humanitaire qu’il est obligé de fournir, en tant que puissance occupante, en bombardant, en détruisant tout ce qui permet de survivre – les infrastructures, les terres arables –, en ciblant les convois humanitaires, il sait pertinemment qu’il va causer la mort de personnes, en particulier d’enfants".
On lit dans un article récemment publié commentant le contenu de ce rapport des Nations Unies (et dont la lecture est également fort recommandée) que:
"Plusieurs notions du droit relatif à la conduite des hostilités tels qu’instrumentalisées par Israël sont précisément analysées : l’accusation d’utilisation de boucliers humains ou d’utilisation militaire d’installations médicales par l’adversaire (A et E), l’extension de la notion d’objectif militaire (B), l’exploitation de la notion de « dommages collatéraux » (C), les ordres d’évacuations et les désignations de zones sûres (D). L’exemple des évacuations paraît, avec le siège et le ciblage systématique des hôpitaux, assez spécifique de l’offensive en cours. S’agissant des ordres d’évacuation, on assiste à la transformation d’une exigence du droit de la guerre (les précautions avant l’attaque) en instrument de persécution et d’affaiblissement de la population. Ceci a d’ailleurs été rapidement compris par les organes de l’ONU, puisque la résolution de l’Assemblée générale du 26 octobre 2023 demandait l’annulation du premier ordre d’évacuation du nord de Gaza. Le thème de la perfidie (la conduite perfide étant une violation grave du droit de la guerre) apparaît ainsi dans les développements du rapport de Francesca Albanese, dès lors que les zones désignées comme sûres à l’intention des civils déplacés et les couloirs humanitaires permettant leurs déplacements ont fait l’objet de bombardement et d’attaques (§§ 79 et 81)" (Note 3).
Risque "plausible" de génocide (CIJ) depuis le 26 janvier 2024, transfert d´armes et droit international public
Dans le cas de l´appel à établir un embargo sur les armes à destination d'Israël, la question se pose pour nombre d´Etats, notamment pour les Etats-Unis, le Canada et plusieurs Etats européens, tous Etats Parties à la Convention pour la prévention et la sanction du crime de génocide de 1948: voir état officiel des signatures et ratifications.
Dans le cas du Canada et des Etats européens, ils sont aussi Parties au traité sur le commerce des armes de 2013 (voir texte complet et état officiel des signatures et ratifications) dont l´article 6, paragraphe 3 est des plus clairs et ne présente aucun doute sur l'interprétation de son contenu :
"3. Un État Partie ne doit autoriser aucun transfert d’armes classiques visées par l’article 2 (1) ou des biens visés par les articles 3 ou 4 s’il a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie".
La clarté de ce paragraphe 3 peut expliquer les contorsions sémantiques de toute sorte et les ambigüités que permet parfois le langage, observées aux Etats-Unis, au Canada, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni lorsqu´un journaliste demande à un porte parole ou directement à un ministre, de dire si Israël viole le droit international humanitaire à Gaza.
Il convient de préciser que le dernier rapport sur la situation dans la bande de Gaza des Nations Unies (voir rapport au 8 avril 2024, fait état de 33.2017 morts et de 75.933 blessés palestiniens. Un rapport antérieur de quelques jours avant (voir rapport au 3 avril 2024) faisait état de 32.975 morts et de 75.557 blessés palestiniens. Dans le rapport précédent (voir rapport au 29 mars 2024) il était indiqué que :
"21. La Cour observe que les Palestiniens de Gaza ne sont plus seulement exposés à un risque de famine, ainsi qu’elle l’a relevé dans son ordonnance du 26 janvier 2024, mais doivent désormais faire face à une famine qui s’installe, puisque, selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), au moins 31 personnes, dont 27 enfants, ont déjà succombé à la malnutrition et à la déshydratation (OCHA, « Hostilities in the Gaza Strip and Israel — reported impact, Day 169 », 25 mars 2024).
22. La Cour considère que les développements mentionnés ci-dessus, qui sont d’une gravité exceptionnelle, constituent un changement dans la situation, au sens de l’article 76 du Règlement.
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21. The Court observes that Palestinians in Gaza are no longer facing only a risk of famine, as noted in the Order of 26 January 2024, but that famine is setting in, with at least 31 people, including 27 children, having already died of malnutrition and dehydration according to the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA) (OCHA, “Hostilities in the Gaza Strip and Israel — reported impact, Day 169”, 25 March 2024).
22. The Court considers that the above-mentioned developments, which are exceptionally grave, constitute a change in the situation within the meaning of Article 76 of the Rules of Court".
Outre la situation dramatique de famine à Gaza, les juges de la CIJ considèrent que les plus de 6 500 morts et près de 11 000 blessés à Gaza depuis le 26 janvier justifient une action supplémentaire (sur la base des chiffres indiqués dans les rapports de situation de l'ONU) :
"39. La Cour rappelle que, depuis le 26 janvier 2024, l’opération militaire d’Israël aurait fait plus de 6 600 morts et près de 11 000 blessés supplémentaires dans la population palestinienne de la bande de Gaza (OCHA, « Hostilities in the Gaza Strip and Israel — reported impact, Day 169 », 25 mars 2024).
40. Au vu de ce qui précède, et compte tenu des mesures conservatoires indiquées le 26 janvier 2024, la Cour estime que la situation actuelle dont elle est saisie entraîne un risque accru qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits plausibles revendiqués par l’Afrique du Sud et qu’il y a urgence, c’est-à-dire qu’il existe un risque réel et imminent qu’un tel préjudice soit causé avant que la Cour ne se prononce de manière définitive en l’affaire.
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39. The Court recalls that, since 26 January 2024, Israel’s military operation has reportedly led to over 6,600 additional fatalities and almost 11,000 additional injuries among Palestinians in the Gaza Strip (OCHA, “Hostilities in the Gaza Strip and Israel reported impact, Day 169”, 25 March 2024).
40. In light of the considerations set out above, and taking account of the provisional measures indicated on 26 January 2024, the Court finds that the current situation before it entails a further risk of irreparable prejudice to the plausible rights claimed by South Africa and that there is urgency, in the sense that there exists a real and imminent risk that such prejudice will be caused before the Court gives its final decision in the case."
La CIJ décide d'ordonner à Israël les nouvelles mesures conservatoires suivantes, qui se lisent comme suit au paragraphe 51, alinéas 2 et 3 de son ordonnance, dans laquelle la CIJ :
"2) Indique les mesures conservatoires suivantes :
L’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et au vu de la dégradation des conditions de vie auxquelles sont soumis les Palestiniens de Gaza, en particulier de la propagation de la famine et de l’inanition :
a) À l’unanimité,
Prendre toutes les mesures nécessaires et effectives pour veiller sans délai, en étroite coopération avec l’Organisation des Nations Unies, à ce que soit assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence, notamment la nourriture, l’eau, l’électricité, le combustible, les abris, les vêtements, les produits et installations d’hygiène et d’assainissement, ainsi que le matériel et les soins médicaux, aux Palestiniens de l’ensemble de la bande de Gaza, en particulier en accroissant la capacité et le nombre des points de passage terrestres et en maintenant ceux-ci ouverts aussi longtemps que nécessaire ;
b) Par quinze voix contre une,
Veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette pas d’actes constituant une violation de l’un quelconque des droits des Palestiniens de Gaza en tant que groupe protégé en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, y compris en empêchant, d’une quelconque façon, la livraison d’aide humanitaire requise de toute urgence ;
...
3) Par quinze voix contre une,
Décide que l’État d’Israël devra, dans un délai d’un mois à compter de la date de la présente ordonnance, soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à cette ordonnance.
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(2) Indicates the following provisional measures:
The State of Israel shall, in conformity with its obligations under the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, and in view of the worsening conditions of life faced by Palestinians in Gaza, in particular the spread of famine and starvation:
(a) Unanimously,
Take all necessary and effective measures to ensure, without delay, in full co-operation with the United Nations, the unhindered provision at scale by all concerned of urgently needed basic services and humanitarian assistance, including food, water, electricity, fuel, shelter, clothing, hygiene and sanitation requirements, as well as medical supplies and medical care to Palestinians throughout Gaza, including by increasing the capacity and number of land crossing points and maintaining them open for as long as necessary;
(b) By fifteen votes to one,
Ensure with immediate effect that its military does not commit acts which constitute a violation of any of the rights of the Palestinians in Gaza as a protected group under the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, including by preventing, through any action, the delivery of urgently needed humanitarian assistance;
(3) By fifteen votes to one,
Decides that the State of Israel shall submit a report to the Court on all measures taken to give effect to this Order, within one month as from the date of this Order".
"7. On est donc face à une situation dans laquelle les conditions d’existence des Palestiniens de Gaza sont de nature à entraîner la destruction partielle ou totale de ce groupe. Il est important de rappeler ici que cette conclusion est sans préjudice de toute décision sur le fond de l’affaire dont est saisie la Cour. Quant au but des mesures conservatoires, il est de préserver les droits que la Cour a reconnus plausibles dans son ordonnance du 26 janvier 2024, notamment le droit des Palestiniens de Gaza d’être protégés contre les actes de génocide et les actes prohibés connexes visés à l’article III de la convention sur le génocide.
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7. We are therefore faced with a situation in which the conditions of existence of the Palestinians in Gaza are such as to bring about the partial or total destruction of that group. It is important to remember that this conclusion is without prejudice to any decision on the merits of the case before the Court. As to the purpose of the provisional measures, it is to preserve the rights which the Court recognised as plausible in its Order of 26 January 2024, in particular the right of the Palestinians of Gaza to be protected against acts of genocide and related prohibited acts referred to in Article III of the Genocide Convention".
Une semaine particulièrement chargée
A cette nouvelle ordonnance de la CIJ datée du 29 mars, à la déclaration précitée du Président de la CIJ, s'ajoute la récente résolution 2728(2024) du Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptée le 25 mars 2024 (voir hyperlien vers les versions officielles) : cette résolution ordonne à Israël un cessez-le-feu immédiat (Note 6). Il convient de signaler que cette résolution fait l'objet d'une référence au paragraphe 37 de l'ordonnance de la CIJ.
Il est à remarquer que lors de l'adoption de la résolution 2728, la représentante nor-américaine au Conseil de Sécurité en a surpris plus d'un au sein du Conseil de Sécurité (et bien plus à l'extérieur...) en affirmant que cette résolution n'est pas contraignante. Á cet égard, le compte-rendu de séance S/PV.9586 du 25 mars 2024, se lit comme suit (p. 5) :
"However, as I said before, we fully support some of the critical objectives in this non-binding resolution".
Il s'agit d'une affirmation jamais entendue auparavant de la part d'un Etat membre du Conseil de Sécurité. Un Etat membre (et qui plus est, est permanent ...) du Conseil de Sécurité soutenant qu'une résolution, adoptée avec 14 voix pour et une abstention (Etats-Unis), dont le premier paragraphe du dispositif appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza après trois tentatives infructueuses dues au veto américain ... n'est donc désormais plus contraignante ? Cette position insolite de la personne avec le plus haut grade au sein de la représentation nord-américaine au siège des Nations Unies à New York montre à quel point les diplomates américains se sentent obligés de faire preuve de créativité pour protéger Israël. Une juriste chilienne n´a pas manqué de qualifier de véritable "leguleyada" la position nord-américaine (Note 7), terme castillan dont la traduction en langue française s'avère délicate.
En ce qui concerne le Conseil de Sécurité, le fait qu'Israël n'ait pas modifié ses actions à Gaza depuis le 25 mars l'expose à des mesures coercitives au titre des articles 41 et 42 de la Charte des Nations unies. Ainsi qu' à une pression supplémentaire pour les diplomates des Etats-Unis, allié indéfectible d'Israël au sein du Conseil de Sécurité : ils pourront difficilement, en tant que représentants d'un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, opposer leur veto à une résolution exigeant d'Israël qu'il respecte l'autorité des décisions émanant du Conseil de Sécurité (a moins que l´on assiste de nouveau à ... une autre "leguleyada").
Il convient enfin d'ajouter que le 2 avril 2024, la Banque Mondiale a publié une première estimation des dommages causés aux infrastructures de Gaza, qui s'élèvent à plus de 18,5 milliards de dollars américains (voir le communiqué de presse et les détails de l'estimation dans le tableau de la page 10 du rapport intitulé "Gaza Strip Interim Damage Assessment").
En guise de conclusion
Comme on peut le constater, cette dernière semaine du mois de mars 2024 et ces premiers jours d'avril montrent que pour les principaux organes des Nations Unies, les actions d'Israël à Gaza sont inacceptables et indéfendables.
Et ce malgré toutes les manœuvres intentées par les Etats-Unis (ainsi que par certains cercles pro-israéliens dans différentes parties du monde, à travers divers avis, articles d'opinion divers et variés), afin de rendre justifiable ce qui est injustifiable à tout point de vue.
Comme aucun changement majeur n'a été observé de la part des plus hautes autorités israéliennes depuis l'ordonnance de la CIJ du 26 janvier, ni depuis le 28 mars 2024, cette deuxième ordonnance de la CIJ pourrait donner lieu à une nouvelle initiative devant le Conseil de Sécurité ; elle pourrait également être utilisée par le Nicaragua dans sa requête contre l'Allemagne pour complicité de génocide à Gaza, dont les audiences auront lieu les 8 et 9 avril prochains à La Haye (Note 8). A cet égard, cet intéressant article publié en Israël dans le Magazine+972 du 21 mars, sur les bizarreries de la politique allemande en matière de soutien illimité à Israël, conclut que :
"As the absurdity intensifies, it has also become harder for international observers to ignore how Germany’s obsessive pro-Israelism has been twisted into a tool of authoritarianism and xenophobia. As a result, the country’s self-image — civilized, cosmopolitan, and open — is fast becoming a story Germans can only tell themselves. And with attempts underway in many other countries to clamp down on criticism of Israel in the name of protecting Jews, the German travesty is a warning that must echo far beyond its borders".
Outre l'usage qui peut être fait de cette nouvelle ordonnance devant le juges de la CIJ elle-même, il ne faut pas sous-estimer l'usage qui peut en être fait dans le cas du réferré urgent déposé, d'abord par le Bangladesh, la Bolivie, les Comores, les Maldives et l'Afrique du Sud en novembre 2023 (voir texte), puis par le Chili et le Mexique en janvier 2024 (voir communiqué officiel) auprès d'une autre instance juridictionnelle : la Cour Pénale Internationale (CPI). Le silence assourdissant du Bureau du Procureur de la CPI depuis le début de l´année 2024 risque de miner sa crédibilité aux yeux de bon nombre d´Etats, qui gardent tous en mémoire la rapidité avec laquelle un mandat d'arrêt international contre le Président de la Russie a été délivré par la CPI pour transfert d´enfants ukrainiens vers le territoire russe (voir communiqué de presse de la CPI du 17 mars 2023).
Enfin, il faut savoir qu´un premier projet de résolution à examiner au Conseil de Sécurité, présenté par la France, circule depuis le 1er avril 2024 (voir texte circulant sur les réseaux sociaux) : de portée assez générale, il est très probable que la menace d'un veto américain oblige à une reformulation laborieuse de plusieurs de ses dispositions, et que finalement l'Algérie et d'autres Etats choisissent de présenter une proposition alternative plus centrée sur le non-respect par Israël de l'ordonnance de la CIJ et de la résolution 2728 adoptée le 25 mars dernier. En ce qui concerne le projet de résolution présenté par la France, on notera l´inversion des verbes "Call" et "Demand" dans le paragraphe OP1 par rapport au texte la résolution 2728 adoptée le 25 mars dernier, qui "demands" un cessez-le-feu et "calls" pour une libération des otages. Cette inversion notoire doit avoir une explication que seuls les diplomates français doivent pouvoir justifier.
Notons également que le paragraphe préliminaire PP9 du projet de résolution français se lit comme suit :
"PP9. Noting that 139 Member States have recognized the State of Palestine and that other Member States are considering such recognition, and expressing its intent to welcome the State of Palestine as a full member of the United Nations".
Le même 2 avril, l'État de Palestine a envoyé une demande formelle au Secrétaire Général, faisant référence à une initiative similaire prise en 2011, à laquelle le Conseil de Sécurité n'a jamais donné suite (voir le texte de la lettre du 2 avril 2024 et de la demande formelle de septembre 2011).
- - Notes - -
Note 1: Cf. BOEGLIN N., "Gaza / Israel: a propósito de la tercera solicitud de Sudáfrica de medidas provisionales urgentes ante la Corte Internacional de Justicia (CIJ) contra Israel", 6 mars 2024. Texte disponible ici.
Note 2: En langue francaise cf. MAISON R., "A la Cour internationale de justice, un revers pour Israël", Orient XXI, 30 janvier 2024. Texte disponible ici. Et notre article BOEGLIN N., "Gaza / Israël : quelques réflexions concernant l’ordonnance de la Cour Internationale de Justice (CIJ)", site de la Société Québécoise pour le Droit International (SQDI), 2 février 2024. Texte disponible ici; ainsi qu´en langue espagnole BOEGLIN N., "Gaza / Israel: a propósito de la ordenanza de la Corte Internacional de Justicia (CIJ)", 26 janvier 2024. Texte disponible ici.
Note 3: Cf. MAISON R., " "Anatomie d'un génocide". Le rapport de Francesca Albanese sur la situation a Gaza", Orient XXI, édition du 9 avril 2024. Texte disponible ici
Note 4: Cf. ATT Expert Group, Domestic accountability for international arms transfers: Law, policy and practice, Saferworld, 2021, 54 pages. Texte disponible en faisant clic sur "donwload" ici. Cf. aussi sur les régulations de l'Union Europénne (UE) dans ce domaine précis MERLIN J.-B., "Les contentieux nationaux relatifs à la vente interétatique d’armes", Vol. 65 Annuaire Français de Droit International, Année (2019) pp.71-103. Texte intégral de cet artícle disponible ici. Au Canada, et le débat sur l'illégalité des tranferts d'armes en direction de la coalition menée par l´Arabie Saoudite dans la guerre civile au Yemen, cf. AZAROVA V., DAVID E., TURP D., WOOD B., Opinion on the International Legality of Arms Transfers to Saudi Arabia, the United Arab Emirates and Other Members of the Coalition Militarily Involved in Yemen, IPIS, 102 pages, décembre 2019. Texte intégral disponible ici.
Note 5: Cf. MAUREL R., "Afrique du Sud contre Israël : retour sur l’ordonnance de la Cour internationale de justice", Le Club des Juristes, édition du 6 févier 2024, Texte disponible ici.
Note 6: Cf. BOEGLIN N., "Gaza / Israel: Consejo de Seguridad adopta una resolución exigiendo cese al fuego", 25 mars 2024. Texte disponible ici.
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