martes, 26 de noviembre de 2013
LA CIJ ORDONNE AU NICARAGUA DES MESURES CONSERVATOIRES CONCERNANT LA CONSTRUCTION DE DEUX "CAÑOS" DANS LE TERRITOIRE LITIGIEUX DE ISLA PORTILLOS
Figure indiquant la localisation du caño "Google" ou Caño "Pastora" creusé par le Nicaragua dans le secteur de "Isla Portillos" en octobre 2010 en bleu. En rouge le territoire "litigieux" selon la CIJ (Figure élaborée par Allan Astorga). Carte publiée par La Nación, le 18/09/2013 et photo de l´un des deux "caños" (200 m de long et entre 20-30 m de large environ) publiée par La Nación, le 19/09/2013.
La Cour Internationale de Justice (CIJ) a adopté une ordonnance en indication de mesures conservatoires (voir texte en Anglais et en Français) concernant les mesures conservatoires contre le Nicaragua (voir communiqué de presse du 25/09/2013 en Anglais et en Français) sollicitées le 24 septembre par le Costa Rica. Des audiences orales ont eu lieu à la mi-octobre (voir note en Espagnol incluant les verbatims des arguments développés par les Parties). A noter que suite aux paroles de son Agent, le Costa Rica maintient l´idée de donner un espace à ses conseillers nationaux, rompant avec une tradition fort bien établie qui indique que les paroles de l´Agent sont immédiatement suivies par celles des conseils internationaux recrutés par les Etats. Suite à l´ouverture de son Agent Edgar Ugalde Álvarez, le Costa Rica s´est présenté à la barre avec Sergio Ugalde (Costa Rica), Samuel Wordsworth (Royaume-Uni), James Crawford (Australie) et Marcelo Kohen (Argentine). Pour sa part les paroles de l´Agent du Nicaragua Carlos José Argüello Gómez, ont été suivies par celles de Paul S. Reichler (Etats-Unis), de Stephen C. McCaffrey (Etats-Unis) et d´Alain Pellet (France). Cette attitude (somme toute originale) du Costa Rica par rapport aux autres plaideurs a été l´objet d´un bref commentaire paru dans La Nación en 2011.
Dans son ordonnance, la CIJ rapelle dans le paragraphe 52 que: "lorsqu’une demande en indication de mesures conservatoires lui est présentée, elle a le pouvoir, en vertu de son Statut, d’indiquer des mesures totalement ou partiellement différentes de celles qui sont sollicitées. Le paragraphe 2 de l’article 75 du Règlement mentionne expressément ce pouvoir de la Cour, que celle-ci a déjà exercé en plusieurs occasions par le passé /.../. Dans la présente affaire, ayant examiné le libellé des mesures conservatoires demandées par le Costa Rica, la Cour conclut que les mesures à indiquer n’ont pas à être identiques à celles qui sont sollicitées".
Dans la partie finale du dispositif, la CIJ procède effectivement à modifier les demandes du Costa Rica et ordonne au Nicaragua de rémédier à la situation créée par ces deux "caños" dans un délai de 15 jours. Elle précise en effet que: "Le Nicaragua devra s’abstenir de toute activité de dragage ou autre activité dans le territoire litigieux, et, en particulier, de tous travaux sur les deux nouveaux caños". En outre, les juges de La Haye indiquent que: " ... le Nicaragua devra, dans un délai de deux semaines à compter de la date de la présente ordonnance, combler la tranchée creusée sur la plage au nord du caño oriental ; il devra informer immédiatement la Cour de l’achèvement des travaux de comblement de la tranchée et lui fournir, dans un délai d’une semaine à compter de cet achèvement, un rapport contenant toutes les précisions nécessaires, photographies à l’appui". Enfin, la haute juridiction internationale de La Haye précise que: " le Nicaragua devra i) assurer le retrait du territoire litigieux de tous agents, qu’ils soient civils, de police ou de sécurité ; et ii) empêcher l’entrée de tels agents dans ledit territoire". Afin d´éviter toute aggravation en raison de la présence de personnes privées du Nicaragua dans le territoire litigieux d´Isla Portillos, elle ajoute dans la foulée que "Le Nicaragua devra assurer le retrait du territoire litigieux de toutes personnes privées relevant de sa juridiction ou sous son contrôle et empêcher leur entrée dans ledit territoire". Finalement, la CIJ renvoit le Costa Rica au mécanisme "à trois" par lequel le Costa Rica peut pénétrer sur le territoire litigieux (qui fut instauré dans son ordonnance datée du 8 mars 2011 et dont la mise en place s´est averée peu concluante, en dépit des mises en garde de plusieurs juges dont le juge Gilbert Guillaume): " Après avoir consulté le Secrétariat de la convention de Ramsar et préalablement informé le Nicaragua, le Costa Rica pourra prendre des mesures appropriées au sujet des deux nouveaux caños, dès lors que de telles mesures seront nécessaires pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé à l’environnement du territoire litigieux ; ce faisant, le Costa Rica évitera de porter atteinte de quelque façon que ce soit au fleuve San Juan". Ce mécanisme inusité fut l´objet de réserves de la part de plusieurs juges, 13 votant en sa faveur et 4 contre en 2011 (voir paragraphe 86, 2) de l´ordonnance du 8 mars 2011) de la CIJ.
Les deux juges ad hoc John Dugard (designé par le Costa Rica) et Gilbert Guillaume (designé par le Nicaragua) joignent chacun une déclaration (voir texte de la première et la seconde) tandis que le juge brésilien Antonio Cançado Trindade, fidèle à ses habitudes, joint une longue opinion individuelle.
Dans quelques semaines (voire un peu moins), la CIJ devrait se prononcer sur une demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Nicaragua contre le Costa Rica au mois d´octobre 2013 exigeant la suspension sine die des travaux de construction de la "trocha fronteriza", une route longue de 154 kilomètres parallèle au fleuve San Juan (voir note sur les audiences orales du mois de novembre 2013). Cette demande a été présentée par le Nicaragua le 11 octobre 2013 en réponse à celle du Costa Rica du 24 septembre 2013 objet de l´ordonnance de la CIJ brièvement analysée dans cette note.
Information complémentaire: Sur la spirale de la confrontation verbale et diplomatique provoquée par la crise d´octobre 2010, voir article de CERISCOPE sur l´impossible apaisement entre les deux Etats publié en 2011. Pour ce qui est de la situation inusitée du fait de l´usage des diverses procédures incidentes par le Costa Rica et le Nicaragua devant la CIJ, nous renvoyons le lecteur à notre modeste analyse relative à l´une d´entre elles en particulier: la jonction d´instances opérée en mai 2013 par la CIJ à la demande du Nicaragua (publiée dans le Bulletin Sentinelle de mai 2013 de la Société Française pour le Droit International, SFDI). Pour ce qui concerne l´usage (tout aussi inusité) de la presse, nous renvoyons à une autre analyse du mois de mars 2013: "Un "nouvel" épisode entre le Costa Rica et le Nicaragua : la discussion sur le fleuve Colorado", publiée dans la revue Le Monde du Droit.
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