domingo, 16 de septiembre de 2012
LE RETRAIT A LA CONVENTION AMERICAINE RELATIVE AUX DROITS DE L¨HOMME PAR LE VENEZUELA
Photo: discours du Ministre des Relations Extérieures du Costa Rica le 11 septembre 2012, à l´occasion de l´inauguration du Forum de San José sur le système inter-américain de protection des droits de l´homme. Faculté de Droit, Universidad de Costa Rica. Photo du Ministère des Relations Extérieures
La semaine dernière, le Secrétariat Général de l´Organisation des Etats Américain (OEA) a reçu la notification de la part du Venezuela concernant sa décision de dénoncer la Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme, (également connue sous le nom de Pacte de San José). Une longue note datée du 9 septembre (près de 30 pages) explique les raisons qui conduisent le Venezuela à prendre cette décision.
Le droit international public reconnaît la possibilité pour un Etat de dénoncer un traité international: l´article 56 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 le stipule expressément (Voir article de Théodore Christakis, Article 56, 2006). L´article 78 du Pacte de San José de 1969, ratifié par le Venezuela en 1977, prévoit également la possibilité pour un Etat Partie de dénoncer ce traité régional et précise notamment:
« 1. Les Etats parties peuvent dénoncer la présente Convention à l'expiration d'un délai de cinq ans à partir de la date de son entrée en vigueur, moyennant un préavis d'un an, adressé au Secrétaire général de l'Organisation, qui doit en informer les autres Etats parties. 2.Cette dénonciation ne déliera pas l'Etat partie intéressé des obligations énoncées dans la présente Convention en ce qui concerne tout fait pouvant constituer une violation de ces obligations qui aurait été commis par ledit Etat antérieurement à la date de la prise d'effet de la dénonciation ».
Il est intéressant de noter que dans sa longue note, le Venezuela explique les raisons pour lesquelles il se voit poussé à prendre cette décision, notamment eu égard à l´attitude tant de la Commission que de la Cour Inter-américaines à son égard, et à l´absence de réponse des organes inter-américains à ses demandes de précision, entre autres.
LA DENONCIATION D´UN TRAITÉ RELATIF AUX DROITS DE L´HOMME COMME LE PACTE DE SAN JOSE:
La dénonciation par le Venezuela compte dans la région avec un précédent: la dénonciation du Pacte de San José par Trinité-et-Tobago, notifiée le 26 mai 1998 au Secrétariat général de l'OEA, et dont les effets juridiques se maintiennent toujours en vigueur.
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Pour ce qui est d´Etats d´Amérique Latine, on se doit de rappeler que le 9 Juillet 1999, le Pérou avait déposé auprès du Secrétariat Général de l'OEA une déclaration par laquelle il retirait sa déclaration d´acceptation de la juridiction la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Un des premiers gestes politiques du nouveau gouvernement péruvien en l´an 2000 fut de revenir sur cette décision. Le Ministre de Justice péruvien, aujourd´hui Président de la Cour Inter-américaine des droits de l´homme, avait alors tenu à faire le déplacement personnellement à San José pour officialiser le retour du Pérou au système interaméricain de protection des droits de l´homme.
Nombreux sont les auteurs à défendre ardemment depuis de longues années l'idée d'une spécificité particulière des traités relatifs aux droits de l'homme par rapport à d'autres traités, réduisant considérablement la possibilité d'émettre des réserves à leur encontre ou de procéder à les dénoncer. Cette position a été défendue par différents organes de contrôle en matière de droits de l'homme, tant universels que régionaux, notamment à partir de la décision de 1961 de la Commission Européenne des Droits de l'Homme dans laquelle elle a jugé que les obligations assumées par les États de la Convention Européenne des Droits de l´Homme sont essentiellement objectives, conçues pour protéger les droits fondamentaux des individus sous juridictions des Hautes Parties contractantes, et qu´ils ne s´agit nullement de créer des droits subjectifs et réciproques entre États (Décision Autriche contre l'Italie, demande no 788 / 60, European Yearbook of Human Rights, (1961), vol. 4, p. 140) Cette approche a été depuis l´objet de nombreux travaux de la part de la doctrine du droit international, Société Française pour le Droit International inclue (1).
LE RETRAIT DU VENEZUELA ET LES RÉACTIONS:
La décision du Venezuela ne doit pas être considérée comme une surprise: son Président avait annoncé le 30 avril, 2012 qu´il étudiait la possibilité de se retirer du système inter-américain des droits de l'homme, sans préciser le mécanisme choisi. La professeure Ligia Bolivar, directrice du Centre des Droits de l´Homme de l´Université Centrale Andres Bello de Caracas indique que dès 2008, le Venezuela avait fait part de cette possibilité. Les effets d'une éventuelle dénonciation de la CADH par le Venezuela furent même « minimisés » à l´occasion de déclarations publiques faites à la presse par certains juges de la Cour inter-américaine des droits de l'homme fin août 2012. Au plan national, la décision du Venezuela donnera sûrement lieu à d´âpres débats dans la mesure où la Constitution du Venezuela, comme beaucoup d'autres constitutions récentes d´Amérique Latine, reconnaît une hiérarchie supra-constitutionnelle aux traités relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le Venezuela; et ce en dépit d´une décision de juge constitutionnel vénézuelien "dévoyant" l´esprit du texte constitutionnel: "Alors que la Constitution vénézuélienne est, avec la Constitution argentine, la plus ouverte au droit international des droits de l’homme grâce à son article 23; alors qu’une disposition est expressément consacrée à ce que l’on nomme au sein des Amériques, l’ « amparo international », c’est le juge suprême qui a, sans rationalité aucune – sauf peut-être celle guidée par des considérations d’ordre politique – littéralement dévoyé l’interprétation du texte constitutionnel". (Article de Laurence Burgorgue Larsen, "Les nouvelles tendances dans la jurisprudence de la Cour Interaméricaines des Droits de l´Homme", Cursos de Derecho Internacional de Vitoria Gasteiz, 2009")
Aux regrets formulés par les organes de l'OEA à peine connue la position du Venezuela (à savoir son Secrétaire Général, la Commission Inter-américaine des Droits de l´Homme ), ainsi que par la Haute Commissaire aux Droits de l'homme des Nations Unies, on aurait pu s´attendre à ce que des Etats Parties à la Convention en fassent de même. Or, on se doit de reconnaître que les réactions on été fort peu nombreuses: si l´on considère que 24 Etats Membres de l´OEA sont parties au Pacte de San José, seuls le Mexique le Costa Rica et le Paraguay ont fait référence à la décision du Venezuela. Le premier dans un communiqué officiel daté du 11 septembre, le second en insérant un paragraphe dans un communiqué officiel relatif à la tenue d'une conférence régionale sur le système de protection des droits de l'homme tenue à San José le même jour. Le troisième dans un communiqué officiel du 13 septembre.
De cette façon, le Venezuela rejoint un groupe d´Etats membres de l'OEA non parties à la Convention américaine relative aux droits de l'homme, à savoir Antigua-et-Barbuda, Bahamas (Le Commonwealth des), Belize, le Canada, Cuba, les États-Unis, Guyana, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-Grenadines et Trinité-et-Tobago.
UN SYSTÈME REGIONAL DE PROTECTION DES DROITS DE l´HOMME INACHEVÉ
Cette décision du Venezuela vient compliquer un peu plus l´état du système interaméricain des droits de l´homme, qui est fort loin de partager la situation dont jouit son homologue européen. Notamment par rapport à l´idée de son «universalisation» (traduction libre de l´expression que l´on retrouve dans de nombreuses résolutions du Comité Juridique Inter-américain ou de l´Assemblée Générale de l´OEA relative à « la universalisación del sistema») (2), c'est à dire l'idée selon laquelle, tous les États membres de l'OEA devraient faire partie du système interaméricain sur un même pied d'égalité et soumis aux mêmes procédures de contrôle en matière de droits de l´homme ( ). Le système fonctionne de manière complète (États qui ont ratifié la Convention américaine relative aux droits de l'homme et qui ont reconnu la compétence de la Cour Inter-américaine des droits de l'homme) uniquement pour 21 des 35 États membres de l'OEA, dont 18 correspondent aux Etats d´Amérique hispanique de culture juridique continentale, auxquels il faut ajouter Barbade, Haiti, et le Suriname.
En 1999, le membre haitien de la Commission Inter-américaine des droits de l´homme concluait un article en avertissanr clairement que "Il est à cet égard souhaitable et tous doivent y travailler que les pays des Caraïbes, qui ne l´ont encore pas fait ratifient la Convention Américaine. Masi il faut que les autres Etats (les Etats-Unis et le Canada) le fassent également et reconnaissent la compétence obligatoire de la Cour Interamérciaine, si l´on veut aboutir à un renforcement véritable du système" (Voir Jean Joseph Exumé,"Le Pacte de San José et les pays de la région Caraïbe" 1999). Plus près de nous, un ouvrage élaboré en France en 2009 pour le 40ème anniversaire du Pacte de San José qui fut "célébré" à San José dans un consternante discrétion de la part des autorités officielles et de la Cour - suprenante négligence, oubli ou mésentente mutuelle ? -indique dans ses conclusions que "Le système conventionnel n´est pas encore continental et l´absence des Etats-Unis et du Canada, deux grandes démocraties, grève singulièrement la légitimité de la Cour. Lorsque la non-adhésion provient d´Etats peu respectueux des droits de l´homme tels que certains Etats Caraïbes, la perception est différente car il est, après tout, dans l´ordre des choses qu´un Etat peu vertueux ne se soumette volontairement pas à un organe supranational qui va luis dicter sa conduite. En revanche, lorsque des Etats tels que les Etats-Unis et le Canada continuent à reste en dehors du système pour des raisons diverses et variées, il est évident que la juridiction interaméricaine ne peut qu´en pâtir, d´autant que cette absence d´adhésion formelle n´est pas relayée par une adhésion matérielle pourrait-on dire : ni les juges des Etats Unis, ni les juges canadiens ne réservent un sort particulier à la CADH ou á la jurisprudence de la Cour de San José. Cette dernière reste donc, pour cette raison, essentiellement perçue comme le juge des Etats latino-américains et non comme le juge des Etats américains dans leur ensemble " (Hélène Tigroudja, Propos conclusifs - La légitimité du "particularisme interaméricain des droits de l´homme" en question, 2009, p.403).
Avec cette décision récente, qui pourrait éventuellement tenter d´autres Etats en difficulté devant les instances inter-américaines chargées de la protection des droits de l´homme, le Venezuela devient le premier pays d´Amérique Latine à dénoncer le Pacte de San José.
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(1): Voir par exemple FLAUSS J-F, « La protection des droits de l´homme et les sources du droit international », in La protection des droits de l´homme et l´évolution des droits de l´homme, SFDI, Colloque de Strasbourg, Paris, Pédone, 1998, pp.11-79, notamment le chapitre intitulé « le droit des traités à l´épreuve de la protection des droits de l´homme », pp.30-48.
(2): Par exemple, Resolution AG/RES. 2291 (XXXVII-O/07) de l´année 2007 .
NOTE: Traduction française d´un article paru le 12/09/2012 en espagnol dans l´édition de Cambio Político, et publiée dans le número 315 (septembre 2012) de la Sentinelle de la Société Française pour le Droit International. Un version remaniée a été publiée ultérieurement sur le site juridique africain de LEGAVOX, ainsi que sur le site de l´Université Laval au Canada (programme du CEI).
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