miércoles, 17 de julio de 2013

L´OEA ET LE VOL DU PRÉSIDENT DE LA BOLIVIE ENTRE MOSCOU ET LA PAZ: UNE INNOVATION TECHNIQUE



Conférence de presse du Président Evo Morales à Vienne, 3 juillet 2013(Note de presse de La Nación, Costa Rica)





Le 9 juillet dernier, le Conseil Permanent de l´Organisation des Etats Américains (OEA) a adopté une résolution intitulée: "SOLIDARITÉ DES ÉTATS MEMBRES DE L’OEA AVEC LE PRÉSIDENT DE L’ÉTAT PLURINATIONAL DE BOLIVIE, EVO MORALES AYMA,ET LE PEUPLE BOLIVIEN" (voir texte officiel en Français à la fin de cette note).

Cette résolution mérite une mention à part dans la mesure où les représentants de la France, de l´Espagne, de l´Italie et du Portugal ont été écoutés attentivement par les membres de l´OEA, sans pour autant, semble-t-il, les convaincre. Le communiqué de presse du Secrétariat Général de l´OEA indique (version en Anglais en absence de version en Français) que: " The text, adopted by consensus in a special meeting of the Council convened at the request of Bolivia, Ecuador, Nicaragua and Venezuela, resolves "to condemn actions that violate the basic rules and principles of international law such as the inviolability of Heads of State," and "to firmly call on the Governments of France, Portugal, Italy and Spain to provide the necessary explanations of the events that took place with the President of the Plurinational State of Bolivia, Evo Morales Ayma, as well as apologies as appropriate"

Le texte de cette résolution a été adopté après de longs débats et négociations par consensus. Il est extrêmement clair sur l´identité des Etats incriminés et leu exige des excuses. On lit au point 3 que Le Conseil Permanent de l´OEA décide... "3. De lancer un ferme appel aux gouvernements de la France, du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne pour qu’ils fournissent les explications nécessaires sur les faits survenus en relation avec le Président de l’État plurinational de Bolivie, Evo Morales Ayma, et pour qu’ils fassent les excuses pertinentes".

Cette résolution a donné cependant lieu à un exercice inédit dans les annales de l´OEA dans la mesure où la délégation des Etats-Unis et celle du Canada ont adjoint une note qui figure à la fin du texte officiel indiquant ne « pouvoir se rallier » au consensus obtenu: on négocie un texte pour parvenir à un consensus (évitant par ce biais un vote), puis on notifie avec une note en bas de page ne pas pouvoir s´y rallier. Voilà une façon originale (et semble-t-il sans précédent au sein de l´OEA) de réinventer la tecnhique du consensus comme mécanisme d´adoption d´un texte au sein d´une organisation internationale.

Il convient de noter que ces deux Etats avaient exhibé leur isolement au sein de l´OEA en votant contre la résolution qui exigeait une réunion d´urgence des Ministres des Relations Extérieurs de l´OEA à la demande de l´Equateur en août 2012 (et concernant la menace d´une opération commando proférée par la diplomatie britannique pour récupérer Julian Assange, réfugié à l´Ambassade de l´Equateur à Londres).



Du point de vue politique, ces deux notes en bas de pages des Etats-Unis et du Canada constituent un exercice périlleux dans la mesure où la motivation d´une telle démarche est peu claire : on imagine mal les 4 Etats européens incriminés faire pression sur les Etats-Unis et le Canada afin d´obtenir d´eux une telle « séparation » du consensus adopté par l´ensemble des Etats membres de l´OEA. Comme par ailleurs le texte final adopté ne vise ni expréssement ni implicitement les Etats-Unis ou le Canada, la démarche s´avère confuse: une raison impérieuse de poids se maintient donc dans l´ombre ou dans ce que l´on pourrait dénommer "le non dit" du texte.

Suite à la condamnation (unanime et sans notes en bas de page) par une autre organisation régionale,le MERCORSUR (qui regroupe l´Argentine, le Paraguay, l´Uruguay, et le Vénézuela) le 12 juillet dernier (voir texte de la résolution), l´Espagne a été la première à faire le pas, en présentant, par l´entremise de son représentant à La Paz, les excuses officielles de l´Espagne le 16 juillet dernier. On lit que l´ambassadeur d´Espagne à La Paz a présenté un texte indiquant que « Lamentamos ese hecho, presentamos nuestras excusas por ese proceder, que no fue adecuado y que al presidente le molestó y le puso en una situación difícil e impropia de un jefe de Estado". La note fait référence à l´action (inédite) de l´ambassadeur d´Espagne à l´aéroport de Vienne qui intenta le 3 juillet dernier une perquisition de l´intérieur de l´aéronef utilisée par le Président de la Bolivie (voir note de presse). Pour ce qui est des déclarations données à la presse par les autorités françaises dès le 4 juillet (voir note de presse), celles-ci ne semblent pas avoir satisfait aux exigences de la Bolivie: la France est traitée au même titre que les 3 autres Etats dans le texte de la résolution de l´OEA du 9 juillet dernier. Le porte-paroldu du Quai d´Orsay mentionne les "regrets" de la France (voir texte sur le site officiel) Les regrets sont une chose, les excuses formelles une toute autre: les premiers relèvent de la courtoisie internationale, ltandis que les secondes, des formes de satisfaction à l´Etat lésé que lui reconnait le droit international public.

La dernière fois que la France s´est officiellement excusée vis-à-vis d´un autre Etat semblerait remonter à l´affaire du Rainbow Warrior (explosion par deux agents des services secrets français d´un bateau de Greenpeace dans le port d ´Auckland en Nouvelle Zélande le 10 juillet 1985). On lit dans la presse bolivienne (21 juillet 2013) que le Président François Hollande a appelé le Président Evo Morales le 12 juillet dernier (entrevue a l´Ambassadeur de France à La Paz, Michel Pinard, La Razón).Concernant le dernier cas d´excuses formelles présentées par la France à un autre Etat, on lit que les excuses formelles données para la France à la Nouvelle Zélande en 1986 répondaient clairement aux exigences de la Nouvelle Zélande et plus encore, que : « les excuses dues par le gouvernement français répondent exactement à la définition de la satisfaction, c´est-à-dire la constatation solennelle du manquement au droit international » (Note 1). La forme de ces excuses officielles suggérée par le médiateur entre la France et la Nouvelle Zélande, le péruvien Pérez de Cuellar, Secrétaire Général des Nations Unies, fut celle d´une lettre adressée par le Premier Ministre français à son homologue néozélandais. Cette lettre étaiet accompagnée d´une indemnisation de 7 millions de dollars « en réparation de l´ensemble des préjudices subis par la Nouvelle Zélande » (traduction de « as compensation for all the damage which it has suffered ») (Note 2)

Il convient de noter qu´il existe d´autres organisations régionales en l’Amérique Latine telles que l’UNASUR (Argentine, Bolivie,Brésil, Chili, Colombie, Guyana, Paraguay, Suriname, Uruguay, Venezuela), l’ALBA (Antigua-et-Barbuda, Bolivie, Cuba, Dominique, Equateur, Nicaragua, Saint Vincent-et-Grenadines et Venezuela), la CELAC (hemisfère américain dans son ensemble à l´exception des Etats-Unis et du Canada) en plus du MERCOSUR. Le fait que toutes ces organisations internationales aient démontré une solidarité sans faille avec la Bolivie sur cette affaire (sans notes en bas de page) devrait inviter les Etats qui ne l’ont pas encore fait à présenter leurs excuses officielles à la Bolivie. Les prochains sommets (eux aussi officiels) pourraient donner lieu à des situations peu commodes si des excuses formelles ne sont pas présentées à la Bolivie. Il va sans dire que l’agenda bilatéral particulier de ces quatre Etats avec la Bolivie pourrait également en pâtir (relations commerciales inclues) et que des répercussions régionales ne sont pas à exclure.



Note (1) : Cf. CHARPENTIER J, « L´affaire du Rainbow Warrior : le règlemente inter-étatique », 32, AFDI (1986) pp. 873-885, p. 881.

Note (2) : Nations Unies, Recueil des Sentences Arbitrales, RSA, Vol. XX, Nations-Unies, p. p.226.





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Texte officiel de la résolution adoptée par le Conseil Permanente de´OEA:

CP/RES. 1017 (1927/13)

SOLIDARITÉ DES ÉTATS MEMBRES DE L’OEA AVEC LE PRÉSIDENT DE L’ÉTAT PLURINATIONAL DE BOLIVIE, EVO MORALES AYMA, ET LE PEUPLE BOLIVIEN[1 ][2 ]

(Adopté durant la séance tenue le 9 juillet 2013)

LE CONSEIL PERMANENT DE L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS,

CONSIDÉRANT:

Que la Charte de l’Organisation des États Américains établit que “le droit international constitue la norme de conduite des États dans leurs relations mutuelles”; et que “l'ordre international est basé essentiellement sur le respect de la personnalité, de la souveraineté et de l'indépendance des États ainsi que sur le fidèle accomplissement des obligations découlant des traités et des autres sources du droit international”;

Qu’il est fondamental que tous les États respectent strictement les normes et les coutumes qui régissent l’immunité des chefs d’État, ainsi que les normes et règlements du droit international concernant l’utilisation de l’espace aérien pour les survols et les atterrissages;

Que le Gouvernement de l’État plurinational de la Bolivie, par le truchement de sa Mission permanente près l’OEA, a fait savoir et dénoncé publiquement que le 2 juillet 2013, l’avion présidentiel immatriculé au FAB-001 qui transportait le Président Evo Morales Ayma vers La Paz, a été forcé de faire un atterrissage d’urgence à Vienne (Autriche), suite à l’annulation, au refus ou au retard des autorisations préalablement émises de survol et d’atterrissage dans les espaces aériens de la France, du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne, la sécurité du mandataire bolivien et sa suite et d’autre part, a violé le droit international régissant ces questions,

Que le Secrétaire général de l’Organisation a exprimé opportunément, par un communiqué de presse, le profond malaise que lui a causé la décision des autorités de divers pays européens qui ont empêché l’utilisation de l’espace aérien par l’avion qui transportait de Moscou à La Paz, le Président de l’État plurinational de Bolivie, Monsieur Evo Morales; et qu’en même temps, il a demandé aux pays concernés des explications au sujet des motifs qui les avaient portés à prendre cette décision, notamment parce qu’elle mettait en danger la vie du premier mandataire d’un pays membre de l’OEA,

DÉCIDE:

1. D’exprimer la solidarité des États membres de l’Organisation des États Américains au Président de l’État plurinational de la Bolivie, Monsieur Evo Morales Ayma.

2. De condamner les actes qui ont violent les normes et principes de base du droit international, comme par exemple l’inviolabilité des chefs d’État.

3. De lancer un ferme appel aux gouvernements de la France, du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne pour qu’ils fournissent les explications nécessaires sur les faits survenus en relation avec le Président de l’État plurinational de Bolivie, Evo Morales Ayma, et pour qu’ils fassent les excuses pertinentes.

4. De lancer un appel en faveur de la poursuite d’un dialogue respectueux et constructif entre les parties, conformément au droit international et aux mécanismes de règlement pacifique des différends.

5. De renouveler la validité intégrale des principes, normes et coutumes internationales qui régissent les relations diplomatiques entre les États et garantissent la coexistence pacifique entre tous les pays qui forment la communauté internationale.

6. De charger le Secrétaire général de donner suite aux dispositions de la présente résolution.

NOTES DE BAS DE PAGE

1. Le Canada ne peut se joindre au consensus concernant cette résolution. Le Canada respecte les privilèges et immunités octroyés aux chefs d’État dans le droit international coutumier. Cependant, dans ce cas, il existe des interprétations contradictoires au sujet des faits entourant cet incident. De surcroît, l’octroi ou l’annulation présumée d’une autorisation de survol est une affaire bilatérale indépendante de la question des privilèges et des immunités accordés aux chefs d’État. Avant de soumettre ce point à l’Organisation, les États nommés dans la résolution devraient rechercher un règlement de la question à travers des filières diplomatiques.

2. Les États-Unis ne peuvent pas se joindre au consensus concernant cette résolution. Les faits pertinents concernant l’incident sous référence ne sont pas clairs et se prêtent à des rapports contradictoires. Il n’est donc pas approprié pour cette Organisation de faire des déclarations les concernant pour le moment. De surcroît, la question de l’octroi ou de l’annulation d’autorisations de survol ou d’atterrissage est une affaire bilatérale entre la Bolivie et les pays concernés. Il est inutile et inapproprié pour l’OEA d’essayer d’intervenir pour le moment.






Note d´actualité: cette note a été publiée sous la forme d´un artcile dans La Nación (Costa Rica), édition du 16/07/2013 et dans La Razón (Bolivie) édition du 19/07/2013.

1 comentario:

  1. Merci pour ces éclairages très intéressants. Sur l'aspect décisionnel de la chose, il n'est pas rare en effet qu'un organe d'une organisation (ici, le Conseil permanent de l'Organisation)ait recours au consensus comme mode décisionnel, quand bien même celui-ci ne serait pas prévu dans la charte constitutive de l'organisation (et en effet, l'article 89 de la Charte de l'OEA ne prévoit pas le consensus comme mode décisionnel). Ceci dit, en ce qui concerne spécifiquement les objections américaines et canadiennes faisant suite à l'adoption du texte, celles-ci sont paradoxalement aussi bien étonnantes que prévisibles.
    Étonnantes car il s'agit en somme d'une procédure d'opt-out: La résolution est adoptée par consensus et n'entre finalement en vigueur qu'à l'égard des Etats qui n'ont pas manifesté leur désapprobation à son égard. Cette procédure demeure rare et n'est jamais (à ma connaissance) utilisée pour des résolutions mais uniquement pour des règlements techniques.
    Prévisibles néanmoins car non-formellement prévu par la charte de l'OEA, le consensus suscite nécessairement des difficultés dans son application. En voila une manifestation. Codifions la pratique du consensus!

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